« Pas - dit le dormeur comme le mort, je ne suis pas là. Pas là, pas maintenant, pas ici, pas ainsi. “ Je suis ” devient inintelligible, c’est une sorte de grognement ou de soupir qui s’échappe des lèvres à peine décloses. »
Le sommeil déchire en nous la clarté, la raison, la distinction. Il révèle ce qui est et demeure déchiré, comme la mort. Pourtant rien d'invisible n'est à sauver, simplement le murmure d'une sensation, le contact repris et soudain permis, les voix qui se livrent et s'abandonnent, s'écoutent.
Mise en voix : Hélène Lacoste - mise en espace : Oria Steenkiste - musique : Jean-Christophe Marq, violoncelle
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« "Le sommeil de la raison engendre des monstres” est une sentence des Lumières qu’il ne s’agit pas de mettre en doute. Mais il convient aussi de se demander s’il n’existe pas quelque chose comme une raison du sommeil, une raison à l’œuvre dans la forme ou dans la modalité du sommeil. C’est-à-dire dans un être-en-soi qui n’est pas un “soi”, dans une absence d’égoïté, d’apparaître et d’intention, dans un abandon grâce auquel se creuse un non-lieu partagé par tous. »
Jean-Luc Nancy
Jean-Luc Nancy, Tombe de sommeil, Galilée, 2007.