Organisé par Cinéma du Réel, en partenariat avec le programme doctoral SACRe de l’Université PSL et la Maison de la Poésie
Le 28 mars dernier, « l’événement » n’était pas au Centre Pompidou comme nous l’avions imaginé en conviant dix invités à venir discuter de leurs pratiques respectives autour de deux tables rondes, mais dans la rue, parmi les cortèges défilant contre la réforme des retraites. Il nous semblait alors impossible de s’enfermer dans une salle tandis que l’événement se déroulait au dehors.
Entrée libre | Réservation recommandée ici.
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Programme
14h : La guérison par les images par François Hébert (23 minutes)
Une intervention proposée par le programme doctoral SACRe de l’Université PSL
14h30-16h : Ce qui nous arrive
Avec Philippe Bazin, Grégoire Bouillier, Catherine David, Olivier Zabat
Une discussion animée par Antoine de Baecque
16h30 : Changez d’adresse. La composition musicale à l’épreuve d’un dépaysement par Maël Bailly (SACRe), avec Rémi Guirimand et Violaine Willem (musiciens)
17h-18h30 : Ce qui nous meut
Avec Kubra Khademi, Clément Schneider, Sophie Wahnich
Une discussion animée par Joseph Confavreux
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« Rien ne distingue les événements des autres moments : ce n’est que plus tard qu’ils se font reconnaître, à leurs cicatrices. » On pourrait commencer par là, en jouant sur les mots d’une phrase de La Jetée de Chris Marker, pour énoncer un premier paradoxe de l’événement : sa temporalité embrouillée. Car dans l’hyper-présent médiatique ou dans la durée historique, l’événement constitue d’abord une anomalie temporelle, césure brisant le continuum de l’histoire et reconfiguration du passé et de l’avenir à la mesure du présent. L’événement se laisse-t-il seulement saisir dans un regard rétrospectif, à partir des traces ou blessures qu’il a laissées ? Ou bien peut-on en dresser la chronique au présent ? Mais cette narration n’entraîne-t-elle pas alors le problème du découpage du réel : où commencer ? Où s’arrêter ?
Deuxième paradoxe, l’avènement de l’événement. La phrase de Marker suggère que les événements ne diffèrent pas en apparence des moments ordinaires, rejoignant ainsi la pensée de Gilles Deleuze qui, lui, écrivait : « L’événement n’est pas ce qui arrive (accident), il est dans ce qui arrive le pur exprimé qui nous fait signe et nous attend. » Il n’appartient pas à l’ordre des faits mais à celui des devenirs, moins épiphanie et rupture que pliure et recomposition du sens. Peut-être alors ne faudrait-il pas opérer de distinction entre des types d’événements, grands et petits, extraordinaires ou banals, mais entre ce qui nous arrive et ce qui nous meut, autrement dit entre la violence de l’irruption d’un réel qui interrompt le cours de notre existence, et la reconfiguration du champ de la mémoire et de celui du possible par de nouveaux principes d’intelligibilité.
Troisième paradoxe : l’événement, comme évidence et/mais comme fracture du sens, nous saisit en même temps qu’il nous échappe. Comment le représenter sans le travestir ? Le raconter sans le commémorer ? Face à l’événement, les approches documentaires déploient autant d’outils que de questions : enquêtes et récits, immersion et reenactment, sont quelques-unes de ces opérations qui cherchent à en cerner les contours. Comment artistes et chercheurs interprètent-ils l’événement ? Comment le reconnaissent-ils ? Selon quel travail de resignification lui assignent-ils une lisibilité ? Et plus encore, comment la forme documentaire peut-elle en elle-même instaurer un mode événementiel, c’est-à-dire reconfigurer notre expérience du sens commun, opposer à l’ordre des choses une logique du désordre ?