Une interprétation étroite du Principe poétique d’E. A. Poe (« Un long poème n’existe pas ; ce qu’on entend par un long poème est une parfaite contradiction de termes ») a voulu que poétique et narratif fussent des termes qui s’excluaient. Et comme les symbolistes avaient opposé le poème au roman, l’affaire semblait entendue : le poème ne raconte pas. Ce partage, schématique, est inscrit dans une histoire au long cours, qui est aussi une histoire nationale de la poésie. Plusieurs publications récentes viennent l’ébranler. Tiphaine Samoyault évoque ces romans en vers tout juste parus : « ces textes sont beaux non d’être écrits“comme des poèmes”, mais de proposer une forme qui fait corps, authentique et intense, avec leur récit ». Elle demande : « que cette forme devienne plus insistante aujourd’hui dit sans doute quelque chose de la littérature de notre époque : la prose est-elle devenue impropre à dire nos vies éclatées ? Le vers a-t-il retrouvé une part de sa force narrative ? Les deux sont vrais sans doute, mais il y a peut-être encore autre chose : la tradition a été rompue, la plupart des fils qui nous reliaient au passé ont été coupés ».
Parce que ce retour du roman en vers dit quelque chose de la littérature de notre époque, la revue Po&sie a invité Laurent Folliot, Hélène Laurain (Partout le feu, Verdier, 2022), Christophe Manon (Porte du soleil, Verdier 2022) et Daniel de Roulet, (Le bonnet rouge, Héros-Limite, 2023).
la revue Po&sie est publiée aux éditions Belin.