Écrire, c’est forcément en passer par l’inachevé, l’approximatif, la trahison, la rature sans fin, le point final qui vient bâcler en désespoir de cause. Écrire, c’est parfois le vœu de voir tout jeté au feu (demande de Kafka à son ami Brod). Écrire, c’est échouer (lire et traduire aussi). Mais ne vaut-il pas mieux “échouer superbement” (tant qu’à faire) plutôt que de se contenter de “réussir médiocrement” un énième livre “pavillonnaire” (selon l’expression d’Éric Chevillard), semblable à tant d’autres, qui n’aura rien défait ni contredit de cette langue qui se vide et s’épuise tous les jours, quitte à assumer ses apories, son insatisfaction, sa frustration ? “Échouer un livre” ne serait-il pas la plus belle exigence littéraire ? À lire Claro, on dirait bien que oui.
« De tous les verbes de la langue française, faillir est celui qui m’est le plus cher. »
Claro, L’échec
Claro, L’échec. Comment échouer mieux de Claro, coll. “Les grands mots”, Autrement, 2024.