Pierre Vinclair est l’auteur jeune d’une œuvre considérable : nombreuse, plurielle, décisive et toute entière engagée dans l’aventure du poème. À l’occasion de la parution de Le Confinement du monde, livre tripartite qui se saisit en sonnets du monde confiné, il est temps de se tourner vers une entreprise si singulière : vers la trilogie formée par Barbares (2009), Les Gestes impossibles (2013) et Le Cours des choses, (2018) publiée dans la collection Poésie/Flammarion, ainsi que vers le doublet formé par La Sauvagerie (Corti, Biophilia, 2020), épopée de cinq cents poèmes en douze chants, « concernant l’enjeu le plus brûlant de notre époque : la crise écologique » et par agir non agir, éléments pour une poésie de la résistance écologique (Corti, 2020).
Mais cette œuvre réserve d’autres surprises agissantes et bien des intensités adressées.
Il est temps. Il est temps.
« Plutôt qu’au cinéma confiné, c’est au parc
qu’on se rend, croisant, tous graves, du Sainsbury
venus, des gens chargés de monceaux de PQ
triple épaisseur, moelleux à l’anus de l’esprit,
irrité. Les enfants postillonnent leur joie
contagieuse au toboggan, sachant bien qu’elles
pourront badigeonner leurs paumes, puis leurs doigts
dans une orgie hydroalcoolique de gel.
Ce matin, à la poste, un hipster tabagique
entrant quand je sortais, pointa son revolver
bactériologique vers moi : cough ! cough ! cough !
In extremis j’ai réchappé du bal tragique,
car tout en m’amusant de ce que j’allais faire,
j’ai retenu mon souffle et essuyé mes joues. »
Pierre Vinclair
Le Confinement du monde est composé de trois ensembles de sonnets : le premier, “Chansons covides”, fut adressé aux vivants confinés via les réseaux sociaux ; le second, “Une couronne”, aux morts du coronavirus ; le troisième, “Sonnets de chiffon”, à un enfant à naître.
Pierre Vinclair, Le confinement du monde, Lurlure, 2020.