Vélimir Khlebnikov (1885-1922) a mené une vie de vagabond, errant parfois pieds nus, écrivant comme un prince avec une plume d’aigle ou une branche de saule. En mai 1919, il quitte Moscou pour l’un des points les plus brûlants de la guerre civile, l’Ukraine. L’errance va durer plus de trois ans. Il entasse ses manuscrits, poèmes, proses, lettres dans une légendaire taie d’oreiller. Il écrit dans l’urgence, dans l’obscurité, dans des abris de fortune, devant des feux de camp où s’échangent pain et poème, pain et immortalité.
Considéré en Russie comme le fondateur du langage du XXe siècle, à l’égal de Joyce ou Arthaud, il a participé à la fondation du mouvement futuriste, puis s’en est écarté, dynamitant et réinventant la langue poétique. Les mathématiques, l’ornithologie, l’astronomie, la philosophie façonnent cette langue nouvelle – langue des oiseaux, poésie stellaire – qui dit les bruissements du monde.
Vélimir Khlebnikov, Œuvres 1919-1922, trad. du russe, préfacé et annoté par Yvan Mignot, Verdier, 2017.