C’est un livre important. Un livre de colère qui entend à sa façon (la littérature) venger tant de corps et d’âmes meurtris. La narratrice de ce premier roman est journaliste, experte en zone de guerre. Le directeur de son journal l’envoie à Catanzaro, petite bourgade calabraise. La Cour de cassation italienne vient en effet d’annuler la condamnation d’un homme jugé pour pédophilie, la victime (âgée de onze ans à l’époque des faits) ayant affirmé qu’elle était « amoureuse » de l’accusé (soixante ans). Là-bas, elle ne trouvera que silences empesés, non-dits indéboulonnables. Menacée d’impuissance face à la réalité de la pédophilie et de l’inceste, elle choisit donc de raconter tous ces êtres qui ont été violentés autour d’elle, et de se raconter elle-même. Dans une écriture à l’intensité somptueuse, Sophie Blandinières rend une sépulture à tous les enfants qui sont morts un jour en nous.
Sophie Blandinières, Le sort tomba sur le plus jeune, Flammarion, 2019