Le 28 juin 2022 le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme publiait un rapport qui estimait à 306 887 le nombre de civils tués entre le 1er mars 2011 et le 31 mars 2022 en Syrie. Onze ans d’une guerre atroce dont les effets concernent non seulement les Syriennes et les Syriens, mais, à plus d’un titre, le monde lui-même. Dans un livre puissant,À quoi bon encore le monde ? La Syrie et nous Catherine Coquio demande : « De quelle croyance au monde nous parle le désespoir des Syriens ? Que signifie leur mal de monde ? Quel rôle y jouent la littérature et l’art ? ». Après avoir rassemblé dans La littérature en suspens, (Écritures de la Shoah, le témoignage et les œuvres) ses réflexions sur les entreprises littéraires à l’œuvre dans certains témoignages de la Shoah, elle se tourne, avec les mêmes instruments, la même passion, et le même désespoir sans nihilisme vers l’épouvante syrienne. Elle analyse des œuvres dont elle décrit les actes : acte de témoigner, d’écrire, d’échanger, de penser ; acte d’imaginer, de résister. Les auteurs de ces œuvres s’appellent Samira al-Khalil, Yassin al- Haj Saleh, Khaled Khalifa, Samar Yazbek, Faraj Bayrakdar, Moustafa Khalifé. Elle ne parle pas en leur nom : elle leur donne la parole. « Le monde, disait Hannah Arendt, est toujours un désert qui a besoin de ceux qui commencent pour pouvoir à nouveau être recommencé. » Les Syriens, commente Catherine Coquio, « sont aujourd’hui “ceux qui commencent”. À partir du désert ».
Catherine Coquio, À quoi bon encore le monde ? La Syrie et nous, coll. « Sinbad », Actes Sud, 2022. La revue Po&sie est publiée aux éditions Belin.