« Parfois le silence règne, on est paisiblement concentré, la lumière est belle et notre regard vigilant : alors l’émerveillement nous saisit. D’où vient ce sentiment fugitif ? Il ne résulte pas toujours de la nature grandiose de la situation ou du spectacle. Souvent c’est un état intérieur favorable qui nous permet de percevoir une dimension secrète et poétique du monde. Soudain on vit pleinement, ici et maintenant, dans le pur présent. Cette disposition intime est une conséquence de la faculté de joie qui est elle-même une expansion du désir de vivre.
Le risque de l’enténèbrement a frappé notre époque mais il faut d’autant plus persister à évoquer l’émerveillement. Car la construction du bonheur, le respect de chaque vie précaire, précieuse et susceptible d’accueillir les plaisirs en même temps que le labeur, sont la marque de notre conception de l’existence. Ici est notre séjour, y porter un regard attentif est le plus sûr remède contre le nihilisme. »
Belinda Cannone
Belinda Cannone, S’émerveiller, Stock, 2017.